samedi 31 mars 2012

Sarah Hébert, portrait d'une fille de l'Océan


Elle a fait beaucoup parler d'elle ces derniers mois, et pour cause! Elle a tenté de traverser l'Atlantique sur une planche à voile grand public. Elle vient d'arriver en Guadeloupe, après 19 jours de navigation, dont 12 en planche. Un exploit jamais tenté sur une planche grand public.

Mais qui est réellement Sarah? A présent rentrée de Guadeloupe, des souvenirs plein la tête, nous allons à la rencontre de la jeune fille qui fait battre le cœur de nombreux supporters, de part et d'autre de l'Atlantique, et même partout dans le monde, partout où, comme elle, on croit aussi que quand on veut on peut, ou autrement dit "avec du cœur, tout est possible", puisque c'est là sa devise.



Flashback:

Née à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, elle a à peine quelques heures lorsqu'elle arrive à bord du ketch de 14 mètres de ses parents, sur lequel elle parcourra le monde en famille jusqu'à l'âge de onze ans. Onze années à vivre au gré du vent, des marées, à respirer l'air du large. Une aventure qui l'a marquée à vie, puisqu'elle le dit elle-même, le large, c'est sa maison. Le seul endroit sur terre où elle se sente vraiment chez elle.

A 16 ans, alors qu'elle vit en Nouvelle-Calédonie, elle débute la planche à voile. Un entraîneur la remarque, et la prend dans son équipe. Elle progresse vite, et six mois plus tard, son entraîneur l'envoie au championnat de France, qu'elle remporte, contre toute attente. Suivent alors dix années de compétitions internationales, qu'elle enchaîne avec fougue et passion.

On peut aisément comprendre alors que l'annonce de sa maladie, un trouble du rythme cardiaque lui valant de risquer la mort subite à chaque effort violent, soit une épreuve douloureuse. Pour elle, qui vient de passer quatre ans à rafler les médailles dans les championnats de windsurf, il est hors de question d'arrêter de naviguer. C'est sa raison de vivre. "Lui enlever sa planche, ce serait la tuer" affirme son cardiologue, qui a fini par l'admettre.

En 2006, on lui implante donc un défibrillateur, petit boîtier en acier de 120 grammes, qui vient se loger sous son omoplate. Un mois de souffrances post-opératoires, et la voilà repartie, à faire du sport. Deux mois plus tard, elle rafle le titre de championne d'Europe de Formula Windsurfing. Elle n'est cependant pas au bout de ses peines, car la FFV lui retire sa licence, la déclarant inapte à la pratique du windsurf, alors qu'elle s'est qualifiée pour le championnat du monde.

C'est alors que le Directeur technique national de la Fédération Arménienne la contacte, et lui donne rendez-vous au salon nautique où elle rencontre Robert Kotcharian, le président d'Arménie de l'époque, féru de windsurf, et souhaitant promouvoir ce sport dans son pays. Il lui propose alors de courir sous son drapeau, à condition de se qualifier pour les JO de Pékin. Elle le fait sans problème, mais les finances manquent pour l'y envoyer. Qu'à cela ne tienne, elle a d'autres projets!

La voilà lancée sur sa petite planche, prête à affronter la houle de l'Atlantique pendant 25 jours (durée prévue de sa traversée)!  Mais l'Océan ne l'entend pas de cette oreille... Pendant 12 jours, elle est ballottée par une houle de 3 à 5 mètres, une mer croisée, et le vent ne cesse d'adonner, l'obligeant à tenir une allure près du vent arrière (très dur en planche, ne lui permettant pas d'avoir la stabilité nécessaire pour supporter les vagues). Épuisée, à bout de forces, après un malaise dangereux, elle décide, à regrets, mais tout en sachant que c'est la meilleure décision, de s'arrêter. Elle a terminé la traversée à bord du catamaran qui l'accompagnait.

De retour en Bretagne, entre deux sessions sur l'eau, Sarah a accepté de répondre à quelques questions:

Questions à Sarah:

Tu viens de revenir de ta traversée de l'Atlantique, un projet que tu as passé beaucoup de temps à préparer, comment te sens-tu à présent?
Je me sens bien, mieux, parce que quand je suis revenue j'étais épuisée, à la fois mentalement et physiquement. De retour en Bretagne, je souffle, et ça me permet de faire le bilan, calmement.

Comment as-tu vécu cette traversée?
Bien, c'est un rêve qu'on a pensé depuis six ans, et sur lequel on a travaillé depuis deux ans. C'est l'aboutissement de pleins d'efforts, on peut se dire "enfin, j'y suis!"
Et au final, c'est une sacrée aventure, à la hauteur de ce que j'avais pensé, et même bien plus énorme que ce que j'avais imaginé.

Quel effet ça fait de se retrouver seule au milieu de l'Atlantique sur une petite planche?
C'est un juste retour aux proportions naturelles. L'homme a pris sur la Terre une trop grande place, une place qui n'est pas la sienne. Ça fait du bien de se remettre à sa place, on se rend compte qu'en vrai on est tout petit.

Comment t'est venue l'idée de cette traversée?
 Il y a six ans je faisais partie d'une écurie de course au large, Team Océan. Il y avait plusieurs supports: un trimaran, un monocoque, un 60 pieds, moi, j'étais la planche. Je participais à un convoyage, au large du cap Finisterre, sur le 60 pieds. J'étais à la barre, et j'avais beau avoir froid, peur, j'étais super heureuse. Je me suis rendue compte que le large me manquait.

Que retiens-tu de cette aventure?
Une fois de plus, qu'avec du cœur, tout est possible, que quand on a un rêve, on peut le réaliser, avec du rêve et de la passion.
Et que la Nature est toujours la plus forte. Même lorsqu'on est préparé, qu'on a composé avec une équipe, il peut arriver que l'on ne puisse pas continuer, il faut l'accepter, se dire que ce sera pour la prochaine fois.

Avant de te lancer là-dedans, tu faisais de la planche en compétition à haut niveau. Tu vas continuer?
 Je ne sais pas, c'est une bonne question. C'était tellement fort qu'aujourd'hui je me reconnais plus dans des projets d'équipe, que dans une carrière sportive professionnelle en solitaire. Mais en même temps, le chrono me manque, c'est quelque chose qui fait partie de moi, j'adore aller vite.

Faute de moyens, tu n'avais pas pu participer aux JO de Pékin, pour lesquels tu t'étais qualifiée. Seras-tu aux JO de Londres cette année?
Non, lors des qualifications, j'étais en Nouvelle-Calédonie entrain de me préparer pour ma traversée de l'Atlantique. Il n'y aura pas de JO pour moi cette année.

As-tu de nouveaux projets?
Pas vraiment clairement, il y en a d'autres qui vont mûrir dans ma tête... et qui seront forcément en rapport avec la mer, la glisse...

Tu as travaillé comme journaliste pendant trois ans, pour Wapala TV. Comment en es-tu arrivée à ce métier?
Là encore, c'est le hasard des rencontres. Je m'entraînais à l’École Nationale de Voile, quand des journalistes de Sailing News sont venus faire un reportage. Ils ont parlé à mon entraîneur, et lui ont expliqué qu'ils aimeraient mettre en place une chaîne glisse, ils avaient les moyens, mais pas forcément les connaissances. J'ai tout de suite été intéressée.

Cela t'a plu?
Beaucoup. Le métier de journaliste te donne une ouverture d'esprit, permet de faire beaucoup de rencontres, d'être sur le terrain, ce sont des choses qui me plaisent beaucoup.

Penses-tu continuer à exercer ce métier? 
Oui.

Tu as grandi sur un bateau en voyageant autour du monde. Que t'a apporté cette expérience?
 Beaucoup de choses. C'est toujours un peu difficile de résumer 11 années de sa vie. Je crois que c'est le meilleur cadeau qu'aient pu me faire mes parents, ça m'a donné une ouverture d'esprit, c'est ce qui fait que je n'ai pas peur, que j'ose aller au bout de mes rêves. J'ai grandi en apprenant à ne pas juger, à aller à la découverte des autres.

C'est quelque chose que tu aimerais refaire?
Oui, bien sûr!



un lieu : mon potager
un plat : le fondant au chocolat
un animal : la tortue marine
un film : Into the wild
un livre : Tatiana de Rosnay, Le Cœur d'une autre
une couleur : bleu turquoise
un spot : chez moi, en Nouvelle-Calédonie, l'Anse Vata
ton conseil santé : manger équilibré, dormir, être heureux!
tes conditions préférées pour naviguer : je trouve ça bien quand ça change, mais étonnamment je suis meilleure quand les conditions deviennent difficile, qu'il y a beaucoup de vent et de vagues, et que l'adrénaline monte!


Wapala TV: http://www.wapala.tv/



Claire G.

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